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dimanche 18 décembre 2011

Un souvenir de Noël à oublier!

Par Sophie Perron, enseignante au CEA de Sainte-Justine
Cette année-là, nous avions quitté grands-parents, cousines et amis pour aller vivre à des milliers de kilomètres de chez-nous. De simple employé du gouvernement, mon père était passé à un poste de haut niveau au ministère des affaires internationales et ses fonctions nous avaient amenés à nous établir pour trois ans dans la ville de Bruxelles, en Belgique.
Quelques semaines avant notre premier Noël au loin, mon père avait fait l’acquisition d’une autocaravane* avec le projet de partir en voyage dans le sud de la France. Ma mère avait lu dans son guide touristique qu’un petit village du fin fond de la Provence était reconnu pour ses messes traditionnelles. Elle nous lisait les descriptions de son livre avec grande exitation : à cette époque, il n’y avait pas Internet pour voir à l’avance les paysages avant le voyage. Mon père, quant à lui, rêvait de zyeuter en personne les légendaires femmes aux seins nus sur les plages de la Côte d’Azur. Chacun ses intérêts! Nous, les enfants, étions vraiment excités à l'idée de passer deux semaines complètes dans la Ganymède, nom d'étoile dont nous avions affectueusement affublé notre véhicule.
Nous sommes donc partis plein d’enthousiasme pour un périple de 1200 kilomètres, jusqu’au petit village ciblé par ma mère. Nous avions campé avec nos amis venus aussi du Québec, à la fois heureux de vivre une nouvelle expérience, et nostalgiques d’être loin de nos familles et de l’hiver. Le village de Beaux-en-Provence était minuscule, perché sur des montagnes arides. Nous étions arrivés dans l’après-midi du 24 décembre et avions fait le tour en quelques pas. On n’y trouvait que quelques boutiques de souvenirs artisanaux toutes fermées pour l’hiver.
Le soir venu, nous nous étions rendus à la messe tant attendue. Malheureusement, la petite église ne pouvait accueillir les centaines de fidèles qui s’y déplaçaient pour l’occasion  et nous avions dû passer la longue cérémonie dehors. On gelait dans la nuit froide, mais on a quand même fini par voir passer quelques animaux et personnages de la crèche vivante avant qu’ils entrent dans l’église.
Nous étions retournés à nos véhicules avec un enthousiasme écorché, et nous avions déballé les rares cadeaux que mes parents avaient apportés, faute d’espace. Il faut dire que notre maison ambulante n'avait rien des véhicules récréatifs qui sillonnent nos routes aujourd'hui, et qui ont pratiquement la taille d'autobus. Notre autocaravane était à peine plus grande qu'une mini-fourgonnette. Mes parents avaient un sacré courage de voyager avec trois enfants dans ce véhicule! Et, cette veille de Noël, il avait fallu utiliser un peu de notre espace restreint pour coucher prématurément et tenter de tenir au chaud ma petite sœur, qui avait fait une poussée de fièvre au mauvais moment.

Malgré tous leurs efforts, mes parents n’avaient pas réussi à cacher qu’ils avaient le cafard. Ma mère, surtout, avait la larme à l’œil, aidée par le double café-cognac qu’elle avait pris pour se réchauffer. Moi, grande fille toujours raisonnable, j’avais tenté de me convaincre que mon unique cadeau me plaisait. Il s’agissait d’un jeu électronique à deux boutons, où l’on devait tuer des extra-terrestres gris sur fond gris. C’était loin des poupées que j’étais devenue trop grande pour recevoir et je faisais semblant d’être comblée, car je devinais que ce cadeau avait couté cher et que ce n'était surtout pas le moment d'en rajouter.
Le réveillon - si on peut appeler cette soirée ainsi - s'était terminé après avoir mangé rapidement quelques mets traditionnels préparés par ma mère. Nous avions tous fait un effort pour montrer un peu de bonne humeur... et nous étions allés nous coucher en espérant que demain soit un jour meilleur.

Fort heureusement, ce fut le cas, et je garde tout de même plusieurs bons souvenirs de ces premières vacances de Noël au loin : danser sur le vrai pont d’Avignon, ramasser des coquillages et des galets sur les plages, gouter à de nouveaux types de sucreries…
L’année suivante, pour Noël, mes parents  nous ont encore emmenés en voyage, mais nous avons logé dans une auberge le soir du réveillon et nous avons festoyé comme il se doit. Nous n’avons plus jamais repassé Noël dans l’autocaravane...


« Autocaravane » est le terme recommandé par l’Office québécois de la langue française. Dans ma famille, cependant, on a toujours appelé ce véhicule «campeur », qui est un terme erroné.