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vendredi 20 décembre 2013

Triste bilan d'une chienne de vie


Par Pierre-André Brière  (participant au concours Ma plus belle histoire - À surveiller.)
CEA de Saint-Prosper
Me voici au beau milieu d'une terre inconnue, j'ai beau tenté une rétrospective, rien ne m'a préparé à vivre cela.
Je me souviens de mon enfance, dès le moment du premier lien visuel de mon lieu de naissance. Un endroit très sombre comblé par une présence maternelle ainsi que celle de mes frères et sœurs. Une routine de jeux et surtout de sommeil, toujours sous le regard protecteur et affectueux de notre mère. Quelquefois, le temps s’interrompait par la visite d’une étrange créature se déplaçant sur deux pattes, elle nous apportait eau et nourriture. À la suite d’un démantèlement environnemental, voilà qu'apparurent deux nouvelles créatures bipèdes, un mâle et une femelle. Ils me portèrent une attention beaucoup trop intense, dégageant une odeur d’excitation jumelée de gaieté. Sans comprendre, on m'enferma à l'intérieur d'un contenant restreint, au point où j’avais de la difficulté à me retourner. Cet endroit vibrait, j’avais peine à rester stable. Ma mère hurla et je m’époumonai à lui répondre, le son de sa voix s'éloigna puis s’éteignit. Ma pièce se stabilisa, j'entendis un énorme grondement accompagné d'une étrange sensation de déplacement. J’étais envahi d'une peur incontrôlable, l’entièreté de mon corps tremblait... On m’arrachait à ma famille et je ne la reverrais jamais.
Puis, j’arrivai dans un nouvel environnement, l’endroit semblait sûr et les deux bipèdes dégageaient un bouquet apaisant. Mon corps eut une soudaine envie de se soulager, à mon grand désarroi! Ils se ruèrent sur moi en hurlant et gesticulant. Je fus projeté dans un monde qui me paraissait infini sous une lumière trop intense. Je vivais un chaos nasal, trop d’arômes amalgamés. Paniqué, je me retournai pour réintégrer leur univers, mais un étrange mur invisible m'en empêchait. J’avais peur, j'avais froid et je me sentais perdu. Heureusement, ce sentiment fut relativement bref. Je pus jouir d’une grande liberté dans ce «nouveau monde» qui devint le mien lors de ma parfumerie territoriale. Ces deux êtres me comblèrent. La femelle passa beaucoup de temps à me caresser avec ses pattes délicates. Cela me rappelait les coups de langue de ma mère. Le mâle, lui, me faisait découvrir un grand nombre d’univers différents. Bien que cela m’insécurise à chaque fois, son calme me ramenait à l'intérieur d'une zone de confort. Une période emplie de bonheur.
Malheureusement, cette merveilleuse période ne dura pas. Sans comprendre, les tensions entre eux augmentaient. À chaque séance de rugissement, le mâle quittait le territoire et réapparaissait beaucoup plus tard, se déplaçant de façon douteuse. Cette évolution agressante atteignit un degré où la tension devint insupportable, je me retirai loin des rugissements emplis d’impulsivité. Puis un beau jour, j’entendis le mâle nous quitter pour ne jamais revenir. La femelle, dégageant une forte émanation de tristesse, m'incita à me rapprocher afin de lui démontrer toute ma compassion. Elle me prit entre ses pattes en exprimant des gémissements profonds. Elle essaya tant bien que mal de soulager ce vide... Voulant faire comme lui, nos balades de découverte d'environnements furent désastreuses. Je devais tout contrôler, car elle dégageait une forte odeur de peur, d'insécurité, additionnée d’un soupçon de rage. Ce sentiment me suffoquait.
Et voilà qu’un jour, elle apparut accompagnée d’un autre mâle. Il ne m’inspirait aucune confiance, car une odeur repoussante s’en dégageait. Bizarrement au fil du temps, je ressentais des douleurs ici et là, toujours en sa présence. Inévitablement, je le pris sur le fait : il tenait un étrange objet et me blessait lorsqu’il me touchait. Je lui indiquai clairement mon désaccord utilisant la méthode enseignée par ma mère. Avec mes dents et sans mettre trop de pression. J’ai aussitôt ressenti une douleur atroce, ma vue devint imprécise et je préférai me retirer. Avant que je n’aie repris mes esprits, il me saisit par la peau du cou et me projeta à l'intérieur de sa pièce mobile. Le temps semblait interminable, la gigantesque lumière avait eu le temps de disparaître. L’odeur agressive diminua ainsi que les grognements. La pièce s’immobilisa, il me fit sortir à l’extérieur en sa compagnie. Il prit un objet au sol et m’invita à jouer, un sentiment d’excitation m'envahit. Il le lança très loin et je tentai de le rattraper. J'utilisai tous mes sens afin de le retrouver, ensuite je fis volte-face et vit la pièce s’éloigner. Était-ce un nouveau jeu? J’entamai une course afin de le rattraper. Plus je courrais, plus il s’éloignait et ce jusqu’à ce que je le perde de vue. Je continuai à courir jusqu’au point où mon corps n’en pouvait plus. Je m’écroulai au sol, les coussinets ensanglantés au centre d'un environnement empli de parfums inconnus, sans présence familière.
Maintenant, je me retrouve seul et apeuré. Heureusement, la lumière apparait lentement. Je tente de retrouver mon chemin, mais je suis épuisé et affamé. Une odeur apparait et confirme mon appétit. Elle provient d’un étrange contenant. J'utilise toute ma force et il se renverse. J'admire un banquet majestueux emmêlé d'une multitude d’objets. Je me régale tout en repoussant le non désiré. Quoi!!! J’entends un bruit et lève la tête, j’aperçois un bipède mâle qui se rue sur moi en rugissant agressivement. Mais je suis si faible que j’ai à peine la force de remuer mon derrière. Je prends donc une position passive et lui émets des signaux d’apaisement. Une fois sur moi, une douleur atroce m’envahit à la tête et mon corps ne répond plus. Je gis au sol tout en continuant de ressentir d’intenses douleurs. J’ai l’impression que mes os éclatent les uns après les autres. Je veux hurler, mais je n’y arrive pas. Un liquide ensanglanté m’empêche de respirer. Je suis complètement paniqué et paralysé. Je vois clairement mon assaillant qui hurle de rage à mon égard...
Lentement, la douleur se dissipe... Les rugissements se font de plus en plus sourds... Le temps semble s’arrêter, et ce, jusqu’à ce que... Plus rien.

L’enfant aux papillons



Par Marie-Catherine Bolduc (Finaliste du concours Ma plus belle histoire. À surveiller : la lecture publique de Marie-Catherine à Québec!)
CEA de Saint-Prosper

Je m’appelle Hope, ce qui veut dire espoir en français, et j’ai 9 ans. C’est mon grand-père qui a choisi de m’appeler ainsi, car il dit que « où il y a de la vie, il y a de l’espoir».  Je dois avouer que je n’ai pas eu une naissance comme les autres. Je suis née à 32 semaines de grossesse. Mes parents ont eu un accident d’auto et ils sont morts subitement. Les médecins ont réussi à me sauver en me branchant sur une multitude de machines. Ce sont mes grands-parents qui m’ont adoptée. Ils avaient peur que je ne survive pas ou que je reste avec de graves malformations. Mais non, j’étais un bébé en parfaite santé. Les médecins disaient que c’était presqu’un miracle et je le crois aussi.
Je suis donc née en juillet. Une chance, car c’est mon mois préféré, parce que j’adore les papillons. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas de hasard dans la vie, ce n’est que le destin. Pourquoi je sais tout ça à mon âge? Je ne sais pas, mais je sais que je le sais. C’est à l’intérieur de moi, c’est tout. J’adore les papillons, surtout les monarques. Selon moi, c’est avec eux que je peux parler à mes parents. Les papillons sont magiques, car tous les messages que je leur confie se rendent à mes parents et parfois même à Dieu. C’est eux qui vont leur porter, j’en suis certaine.
Mes grands-parents vivent à la campagne. Une chance aussi, car j’adore marcher dans le champ derrière la maison. Tous les papillons viennent à moi, ils me suivent partout dans le champ et lorsque je sors du champ, ils ne me suivent plus, à part un. Lui, il est comme mon ange gardien. Il se colle même à la fenêtre de ma chambre, le soir. Je crois qu’il veille sur moi et je le remercie tous les jours d’être là. Les murs de ma chambre sont tapissés de dessins de papillons que je dessine pendant l’hiver et la literie de mon lit est aussi en papillons. Mon grand-père me dit souvent que je ne suis pas une petite fille ordinaire. J’ai quelque chose, il ne sait pas c’est quoi, mais il y a en moi une force, une sagesse qui me rendent ainsi. Et bien coudonc, c’est ainsi que Dieu m'a créée.
Cet été-là, j’ai passé mes vacances avec Jacob, le nouveau voisin. J’étais contente de profiter de mes vacances avec un ami, car je souffre souvent de la solitude. Il était comme mon frère, un vrai complice. On s'amusait pendant de longues journées et on se racontait toutes sortes d’histoires. Jacob était important pour moi et il l’est devenu encore plus le jour où j’ai découvert qu’il était victime de violence par son père. Mon instinct d’enfant me disait que ce n’était pas normal et que je devais faire quelque chose. Mais quoi ? Lorsque Jacob s’est  enfin décidé de m’en parler, il voulait venir vivre chez moi, mais il voulait aussi que cela reste un secret. Je voulais en parler à mes grands-parents, mais je ne voulais pas perdre la confiance de mon ami, je ne trouvais pas que son secret devait rester secret. Je devais faire quelque chose.
Un soir de pleine lune, j’ai décidé d’aller espionner par la fenêtre du salon chez Jacob et j’ai bien vu que toutes les ecchymoses qu’avait Jacob n’étaient pas toutes causées par le fait qu’on jouait à grimper aux arbres. Malheureusement, je n’ai rien pu faire, car mon grand-père m’a surprise. Alors, je lui ai tout expliqué et il m’a dit qu’il le savait et qu’il ne pouvait rien faire pour ça. Il m’a donc envoyée en punition dans ma chambre. Je pleurais. Je savais que mon ami vivait un dur moment et je voulais l’aider, mais je ne pouvais pas. Alors, j’ai prié pour lui. J’ai demandé aux papillons et à mes parents de l’aider et de le libérer de cette violence. Fatiguée, je me suis endormie ainsi.
Aux petites heures du matin, je fus réveillée par la sirène des policiers et des ambulanciers. J’ai aussitôt regardé par ma fenêtre et j’ai compris que ce bruit résonnait de chez Jacob. Bien sûr, comme je m’apprêtais à sortir, mon grand-père m’en a empêchée. Il s'est agenouillé et m’a prise dans ses bras. Il m’a dit que Jacob était tombé du toit durant la nuit, car il voulait échapper à son père. Mais malheureusement, sa chute fut mortelle. Jacob était mort.
Après la mort de Jacob, j’ai compris que la vie pouvait parfois être très douloureuse et cruelle. Je me suis rendu compte aussi que les problèmes arrivent lorsqu’on grandit, c’est pourquoi je regrette déjà le futur. Tout ce que j’ai hâte de savoir, ce sont les mots que je vais apprendre pour expliquer au gens comment je me sens. Je n’oublierai jamais Jacob. Le jour de ses funérailles, il y avait tout plein de papillons et je leur ai demandé de venir me dire comment Jacob allait dans l’autre monde et s’il était devenu un ange. Parfois, je me demande où se cache la vraie vie, entre celle de Jacob, de mes parents et de la mienne. Mon grand-père m’a encore demandé où j’allais chercher tout ça. Je lui ai simplement répondu : « Je ne sais pas d’où ça vient, grand-papa. Peut-être des papillons, mais je sais que je le sais, c’est là, à l’intérieur de moi, c’est tout. »