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vendredi 23 décembre 2011

Noël d’Antan

Par Marjorie Lessard, élève au CEA de Beauceville

Par un beau jour d’hiver, dans la grande maison des Lacroix, régnait une atmosphère joyeuse. Tous préparaient les festivités pour ce jour spécial : Noël. Partout dans la maison flottaient des effluves de toutes sortes, venant de la cuisine. Tous étaient animés par une énergie électrisante. Il y avait un va-et-vient incessant dans la cuisine. Les trois servantes s’acharnaient tant dans la préparation des plats qu’au fourneau. Déjà, sur le plan de travail, s’empilait un magnifique buffet : ragoût, dinde, tourte, pain, fromage, raisin, brioches, petits gâteaux…Un vrai festin de roi. Quelques enfants étaient attablés à l’un des plans de travail et regardaient, avec de grands yeux et la bouche salivant, le buffet qui s’agrandissait peu à peu. Dehors, le ciel faisait tomber une nuée de jolis petits nuages, recouvrant ainsi le magnifique paysage de son froid manteau blanc. Isabelle, de l’intérieur de la cuisine, regardait, par la porte donnant sur le jardin, ses enfants jouer à l’extérieur, sous la surveillance de leur père. Le petit Gabriel et la petite Élisabeth se roulaient dans la neige, faisant ici et là des anges, maintenant accompagné d’Alexander, leur père. Elle s’émerveillait chaque fois lorsque ses enfants s’épanouissaient, comme en cet instant, de fous rires hilarants. Elle retourna au fourneau aider les servantes à terminer ce grand et fameux festin.

Plus tard, vers la fin de l’après-midi, toute la maisonnée se réunit dans le grand salon pour bavarder de tout et de rien avant le grand repas de Noël. Les enfants, eux, jouaient tous ensemble. Ils couraient, criaient, riaient, se taquinaient, s’extasiaient…Puis Anna, la servante, vint annoncer que le repas était fin prêt. Tous allèrent à la salle à manger et s’attablèrent. Aussitôt, les conversations reprirent de plus belle. Des rires fusaient de partout, et certains cancanaient. Les enfants réclamaient quelquefois l’attention de leurs parents. Le petit Gabriel faisait partie de ceux-là. Mais Isabelle ne l’entendait pas. Soudain, le garçon s’exclama :
-       Maman, maman ! Je veux des crêpes ! Des crêpes et les petits fruits, là !
-       Oui, oui Gaby. Attends une petite seconde, veux-tu ?
-       Mais j’attends déjà depuis plusieurs minutes !
-       Bon d’accord. Tiens, voilà. Veux-tu autre chose ?
-       Non, merci maman.
-       De rien, mon cœur.
Heureux d’avoir enfin attiré l’attention de sa mère, il piqua hardiment sa fourchette dans ses crêpes et les mangea goulûment. Le festin s’étira jusqu’en début de soirée. Les conversations étaient moins animées qu’au début, mais les rires persistaient toujours. Tous retournèrent au grand salon pour continuer leur petite jasette. Étant plus tranquilles à l’idée d’avoir leur cadeau, les enfants s’installèrent dans un coin de la grande pièce et jouèrent tous ensemble, plus calmement.
Dans le milieu de la soirée, les adultes invitèrent les enfants à se joindre à eux pour la distribution des cadeaux. Comme un troupeau, les petits se bousculèrent quelque peu dans leur empressement et leur excitation. Ils s’assirent tous au sol, en demi-cercle, devant leurs parents. Leurs yeux s’agrandirent par l’excitation et la joie de recevoir leur présent tant attendu. Tous les enfants attendirent que chacun ait son cadeau avant de les développer. Puis, tous au même moment, ils déchirèrent l’emballage de leur présent. La pièce s’emplit de bruit de toutes sortes : du papier qui se déchire, des exclamations de joie et de surprise, des rires, etc. La plupart sautaient sur place par l’envahissement du bonheur qui s’élevait en eux et les autres couraient vers leurs parents pour leur sauter dans les bras. Gabriel et Élisabeth ne faisaient pas exception à la règle. Le garçonnet était tout fier d’avoir eu son premier poignard pour la chasse. Il était d’une beauté incroyable. Le manche était fait de bois tout sculpté à la main. Le manche était orné de splendides gravures. Les entrelacs qui y étaient gravés étaient soigneusement travaillés et d’une grande qualité. Les courbes étaient fines et joliment ciselées. Alexander, étant l’auteur de ce précieux objet et voyant son fils tout émerveillé, sentit monter en lui une grande fierté. La fillette exhibait, tout sourire, sa nouvelle poupée. Elle était faite de cire avec de magnifiques yeux de verre couleur jade. Sa bouche en forme de cœur était peinte en rose, de même que ses joues. Sa longue chevelure brune et bouclée était rassemblée en une jolie coiffe. La robe qui la couvrait était ornée de dentelle au poignet, à l’ourlet et à l’encolure. De petites roses y étaient brodées ici et là. Elles étaient d’un bleu ciel et faites de mousseline. Une jolie boucle était parée sur la poitrine. Les yeux d’Élisabeth étincelaient de joie face à ce précieux jouet. Le cœur d’Isabelle s’emballa d’un immense bonheur à voir sa fille aussi heureuse. Après plusieurs autres accolades et embrassades, les deux chérubins s’en allèrent vers les autres enfants pour montrer ce qu’ils avaient obtenu.
Ensuite, quand tout se fut calmé, on organisa des jeux tous plus amusants les uns que les autres. Les rires recommencèrent tous en chœur et résonnèrent longtemps dans la grande salle. Les enfants participèrent autant que les adultes et tous eurent beaucoup de plaisir. Et très tard dans la nuit, quand minuit sonna, quelqu’un fit grincer les cordes de son violon, plus tard accompagné d’un magnifique chant. Puis s’ensuivit une panoplie de musiques et de mélodies toutes plus vibrantes les unes que les autres. Autant les petits que les grands, à cœur joie, se mirent à danser et à virevolter. Les robes des dames tournoyaient haut en couleur. Certains dansaient la gigue et se donnaient à se fendre les os des jambes. Tous s’enflammèrent par cette réjouissance qu’apportaient les festivités. Dans l’air, la gaieté, l’hilarité et l’ivresse étaient présentes. Les chopes de bière et de whisky allaient bon train. Les joues étaient devenues rouges par l’alcool qui circulait et par l’excitation et la joie de s’amuser. L’atmosphère de fête se perdit jusqu’au petit matin, à l’aube, dans la maisonnée. Certains des enfants dormaient, d’autres étaient ensommeillés par la nuit enflammée qui venait de se terminer. Et c’est ainsi, dans la maison des Lacroix, que se termina cette joyeuse nuit de Noël 1768.