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vendredi 20 décembre 2013

L’enfant aux papillons



Par Marie-Catherine Bolduc (Finaliste du concours Ma plus belle histoire. À surveiller : la lecture publique de Marie-Catherine à Québec!)
CEA de Saint-Prosper

Je m’appelle Hope, ce qui veut dire espoir en français, et j’ai 9 ans. C’est mon grand-père qui a choisi de m’appeler ainsi, car il dit que « où il y a de la vie, il y a de l’espoir».  Je dois avouer que je n’ai pas eu une naissance comme les autres. Je suis née à 32 semaines de grossesse. Mes parents ont eu un accident d’auto et ils sont morts subitement. Les médecins ont réussi à me sauver en me branchant sur une multitude de machines. Ce sont mes grands-parents qui m’ont adoptée. Ils avaient peur que je ne survive pas ou que je reste avec de graves malformations. Mais non, j’étais un bébé en parfaite santé. Les médecins disaient que c’était presqu’un miracle et je le crois aussi.
Je suis donc née en juillet. Une chance, car c’est mon mois préféré, parce que j’adore les papillons. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas de hasard dans la vie, ce n’est que le destin. Pourquoi je sais tout ça à mon âge? Je ne sais pas, mais je sais que je le sais. C’est à l’intérieur de moi, c’est tout. J’adore les papillons, surtout les monarques. Selon moi, c’est avec eux que je peux parler à mes parents. Les papillons sont magiques, car tous les messages que je leur confie se rendent à mes parents et parfois même à Dieu. C’est eux qui vont leur porter, j’en suis certaine.
Mes grands-parents vivent à la campagne. Une chance aussi, car j’adore marcher dans le champ derrière la maison. Tous les papillons viennent à moi, ils me suivent partout dans le champ et lorsque je sors du champ, ils ne me suivent plus, à part un. Lui, il est comme mon ange gardien. Il se colle même à la fenêtre de ma chambre, le soir. Je crois qu’il veille sur moi et je le remercie tous les jours d’être là. Les murs de ma chambre sont tapissés de dessins de papillons que je dessine pendant l’hiver et la literie de mon lit est aussi en papillons. Mon grand-père me dit souvent que je ne suis pas une petite fille ordinaire. J’ai quelque chose, il ne sait pas c’est quoi, mais il y a en moi une force, une sagesse qui me rendent ainsi. Et bien coudonc, c’est ainsi que Dieu m'a créée.
Cet été-là, j’ai passé mes vacances avec Jacob, le nouveau voisin. J’étais contente de profiter de mes vacances avec un ami, car je souffre souvent de la solitude. Il était comme mon frère, un vrai complice. On s'amusait pendant de longues journées et on se racontait toutes sortes d’histoires. Jacob était important pour moi et il l’est devenu encore plus le jour où j’ai découvert qu’il était victime de violence par son père. Mon instinct d’enfant me disait que ce n’était pas normal et que je devais faire quelque chose. Mais quoi ? Lorsque Jacob s’est  enfin décidé de m’en parler, il voulait venir vivre chez moi, mais il voulait aussi que cela reste un secret. Je voulais en parler à mes grands-parents, mais je ne voulais pas perdre la confiance de mon ami, je ne trouvais pas que son secret devait rester secret. Je devais faire quelque chose.
Un soir de pleine lune, j’ai décidé d’aller espionner par la fenêtre du salon chez Jacob et j’ai bien vu que toutes les ecchymoses qu’avait Jacob n’étaient pas toutes causées par le fait qu’on jouait à grimper aux arbres. Malheureusement, je n’ai rien pu faire, car mon grand-père m’a surprise. Alors, je lui ai tout expliqué et il m’a dit qu’il le savait et qu’il ne pouvait rien faire pour ça. Il m’a donc envoyée en punition dans ma chambre. Je pleurais. Je savais que mon ami vivait un dur moment et je voulais l’aider, mais je ne pouvais pas. Alors, j’ai prié pour lui. J’ai demandé aux papillons et à mes parents de l’aider et de le libérer de cette violence. Fatiguée, je me suis endormie ainsi.
Aux petites heures du matin, je fus réveillée par la sirène des policiers et des ambulanciers. J’ai aussitôt regardé par ma fenêtre et j’ai compris que ce bruit résonnait de chez Jacob. Bien sûr, comme je m’apprêtais à sortir, mon grand-père m’en a empêchée. Il s'est agenouillé et m’a prise dans ses bras. Il m’a dit que Jacob était tombé du toit durant la nuit, car il voulait échapper à son père. Mais malheureusement, sa chute fut mortelle. Jacob était mort.
Après la mort de Jacob, j’ai compris que la vie pouvait parfois être très douloureuse et cruelle. Je me suis rendu compte aussi que les problèmes arrivent lorsqu’on grandit, c’est pourquoi je regrette déjà le futur. Tout ce que j’ai hâte de savoir, ce sont les mots que je vais apprendre pour expliquer au gens comment je me sens. Je n’oublierai jamais Jacob. Le jour de ses funérailles, il y avait tout plein de papillons et je leur ai demandé de venir me dire comment Jacob allait dans l’autre monde et s’il était devenu un ange. Parfois, je me demande où se cache la vraie vie, entre celle de Jacob, de mes parents et de la mienne. Mon grand-père m’a encore demandé où j’allais chercher tout ça. Je lui ai simplement répondu : « Je ne sais pas d’où ça vient, grand-papa. Peut-être des papillons, mais je sais que je le sais, c’est là, à l’intérieur de moi, c’est tout. »

1 commentaire:

Enseignantes a dit…

Bonjour Marie-Catherine,

Félicitations pour ton prix et bravo pour ce texte... C'est simple et c'est touchant, deux belles qualités pour un écrivain: trouver les bons mots pour faire vivre des émotions au lecteur. Bien réussi! Je te souhaite de continuer à écrire longtemps!

Sophie Perron, enseignante au CEA de Sainte-Justine